Haïti crie au secours
devant la communauté internationale face au rapatriement malhonnête
et au traitement inhumain que subissent des dizaines de milliers de
personnes nées en République dominicaine.
La communauté
internationale ne peut pas se taire quand des familles se divisent
arbitrairement et que des enfants de tout âge sont séparés de
leurs parents et conduits à des postes frontaliers, elle ne peut
garder le silence lorsque des personnes ont vu leur force de
travail exploitée pendant plusieurs décennies et qu’un beau jour
on leur demande de débarrasser le plancher sans avoir la possibilité
de toucher une pension, ni
le droit
de récupérer leur maigre patrimoine.
C’est
en ces termes que le président de la République d’Haïti s’est
adressé à la communauté internationale au cours du 36ème
sommet des chefs d'Etat et de gouvernements de la CARICOM le
vendredi 3 juillet 2015.
Car c’est dans l’indifférence
totale de la communauté internationale que la République
dominicaine est en train de bafouer les droits élémentaires de
plusieurs milliers de Dominicains d’origine haïtienne, en les
rapatriant dans un pays qu’ils ne connaissent et en les dépouillant
de tout ce qu’ils possèdent au moment de leurs déportation.
Cette crise
haïtiano-dominicaine est une crise pluridimensionnelle qu’Haïti
ne doit pas aborder avec légèreté, car elle emportera avec elle
des conséquences économiques, sociales et culturelles
incommensurables.
C’est face à cette situation
effroyable et monstrueuse que le président haïtien Michel Martelly,
faisant l’objet de nombreuses critiques de l’opposition une
semaine après avoir minimisé la crise migratoire entre Haïti et la
République dominicaine au Champ de Mars, a décidé de hausser le
ton, en dénonçant le rapatriement dans des conditions inhumaines de
plusieurs milliers de personnes depuis le 17 juin 2015, date de
l’échéance du plan national de régularisation des étrangers
(PNRE).
M. Martelly a en effet sollicité
l’intervention de la communauté internationale, malgré son
laxisme, en vue de forcer la République dominicaine à revenir sur
la table des négociations afin de trouver une issue à la crise.
Rappelons que le désaccord
entre les deux pays qui partagent l’île d’Hispaniola a été
déclenché en octobre 2013, quand la plus haute juridiction
dominicaine a décidé dans un arrêté (Cour constitutionnelle
dominicaine, arrêté 168-13) que ‘’les
enfants nés dans le pays de parents étrangers n'ont pas la
nationalité dominicaine".
Une décision rétroactive à 1929 qui a, de
facto,
rendu apatrides plus de 250.000 dominicains, principalement nés de
parents haïtiens.
Dès
lors les personnes concernés se trouvent dans une situation
extrêmement complexe :
les autorités dominicaines ignorant l’étendue du problème jouent
le jeu du rapatriement volontaire, déstabilisant ainsi Haïti, un
pays qui n’arrête jamais d’être confronté à des embarras de
toutes sortes qui l’empêchent de dominer la misère.
Les autorités dominicaines
promettent de ne pas organiser de rapatriement massif et de ne pas
violer les droits des expatriés dominicains ainsi que des migrants
haïtiens. Or, le constat est tout à fait à l’opposé, car
depuis le mercredi 17 juin 2015, date de l’échéance du plan
national de régulation des étrangers (PNER), des milliers
d’Haïtiens ont rejoint les postes frontaliers
haïtiano-dominicains, pour retourner volontairement à Haïti ;
d’autres, surtout les dominicains de parents haïtiens, plus
nombreux que les premiers ont, en revanche, été arrêtés et
conduits manu
militari
aux frontières.
C’est le cas de Miley da Benacio,
jeune fille née en République dominicaine, contrainte aujourd’hui
de vivre en Haïti : elle a été expulsée par l'armée de son
propre pays. A 29 ans, c'est contre son gré qu'elle découvre Haïti,
le pays d'origine de ses parents, décédés il y a plusieurs années.
Elle a déclaré que ses parents vivaient illégalement en République
dominicaine en omettant de faire le nécessaire pour régulariser sa
situation. Ne
connaissant pas Haïti, la jeune femme se dit prête au suicide.
Triste situation : le
gouvernement haïtien n’a pas su accueillir avec dignité les
expatriés.
L’Etat haïtien, le secteur
privé, le Forum économique, les élites intellectuelles, la classe
bourgeoise et même la Communauté internationale, de fait, n’ont
pas manifesté face à ce drame un intérêt majeur.
Il
faut une véritable entente entre tous les secteurs d’Haïti afin
d’accompagner les Dominicains dénationalisés en République
dominicaine et les Haïtiens rapatriés, ni
complices ni responsables de leurs situations. Ce sont des victimes
des politiciens haïtiens qui refusent de prendre leurs
responsabilités depuis si longtemps.
Une entente difficile car les intérêts en jeu sont très
divergents, mais un front commun est indispensable pour que
Haïti renaisse de ses cendres.
Pour cela, nous devons apprendre à
aimer Haïti et les Haïtiens. Pourquoi nos individualismes forcenés
nous font –ils abandonner l’intérêt de la nation ?
A nous d’imaginer l’accueil de
nos frères expatriés, leur intégration parmi nous, le partage de
notre travail.
Ansanmansanm,
nou ka konstwi yon demokrasi solid. Et
vive Haïti !
wendyphele@yahoo.fr
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